Savoir renoncer. Voilà une compétence à acquérir pour toutes (micro) aventures. Renoncer découle de la compréhension du risque. Et pour comprendre le risque, il faut savoir s’écouter et écouter son environnement. Les deux requièrent de l’expérience. Savoir s’écouter vient avec la connaissance de soi et de ses capacités. Écouter son environnement vient au fur et à mesure de ses « aventures ».
Voila maintenant une semaine que je suis tous les jours l’évolution des conditions météo du week-end. Il va être humide voir neigeux en altitude. Rien de bon quand on a prévu de monter en altitude sur le Mont Thabor (3100m). Mercredi, mes deux compères d’aventures renoncent pour cause de mauvaise conditions météo. Je comprends et respecte leur décision. De mon côté tant pis, j’y vais quand même, j’adapterais en fonction de la météo du jour. La montagne est pleine de surprises.
Samedi
Le front froid est arrivé comme prévu sur les Alpes pendant la nuit. Un rapide tour sur la webcam de la station de Valfréjus confirme les premières chutes de neige : 5cm. Rien d’alarmant, en plus le plafond nuageux paraît encore haut. Mon père m’accompagne à pied jusqu’à la croix marquant le Col de la Vallée Etroite. Ensuite, c’est seul que je continue jusqu’au refuge du mont Thabor (2500m). Déjà 10 bons centimètres sur les tables à l’extérieur. La neige continue de tomber toute l’après-midi et les prévisions météo annoncent qu’elle continuera comme ça toute la nuit. L’ascension du lendemain malgré une légère amélioration prévue s’annonce compromise. Surtout, que le manteau neigeux est instable. Une rapide randonnée autour du lac Sainte Marguerite et du Lac Long confirme qu’en l’état, il serait trop dangereux de monter plus haut.
Pour me consoler et me lancer un petit défi, je décide de planter ma tente devant le refuge et de tester ses capacités à tenir sous la neige (c’est une 3 saisons « ultra légère »). Le bivouac sous la neige est une grande première pour moi aussi ! Je prévois deux couvertures prise au refuge au cas où il ferait trop froid, mais je suis confiant, j’ai déjà dormi avec des -10 °C sans souffrir du froid.
La nuit est calme (pas de visite de sangliers cette fois) et la neige tombe sans s’arrêter. Pour éviter d’être enterré (enneigé?) vivant, je sors plusieurs fois de mon duvet tout chaud pour affronter le froid humide nocturne et déblayer cette neige qui s’accumule au-dessus de moi. Joie du bivouac hivernal quand tu nous tiens !
Dimanche
Mes craintes de la nuit se confirment. Au réveil à 7h c’est jour blanc et la neige tombe toujours. La visibilité est quasiment nulle. Impossible de distinguer clairement le relief. La situation n’évoluant pas, je décide vers 9h de redescendre sans trop tarder. Bien que connaissant le terrain environnant, c’est mon GPS qui me confirme mes erreurs d’orientation. Il est très facile d’être désorienté et se perdre dans ses conditions. Sans repères, il faut faire attention à ne pas se faire prendre par des « vertiges ». Après quelques « zig zag » dans 30cm de neige fraîche, je sors petit à petit de cette purée de pois. Gagné ! Le plus dur est derrière moi. Le paysage est désertique. Seul une petite bise vient troubler ce calme paisible de paysage hivernal. 2 h plus tard, je suis au chaud. Mon père est venu à ma rencontre en 4×4. Le paysage boisé de l’étage inférieur est spectaculaire. La neige est bien descendue pendant la nuit.
Et voici un très beau week-end sous les premières neiges de la saison. 2 jours « pour vivre » qui pourtant en paraissent plus. Le dépaysement était complet. Juste le plaisir d’être là dans le moment.
Cette fois, les risques étaient évidents et renoncer a été facile. Mais ce n’est pas toujours le cas. Renoncer n’est pas un échec.
PS : écrit pour passer le temps dans le TGV qui me ramène à Paris. Récit posté pour le groupe de Micro Aventures L’incubateur de weekend le 28/10/2018.